mardi 11 juin 2013

Truc de Anne Duguël

Année d'édition : 2013
Edition : Rivière blanche
Nombre de pages : 228
Public visé : Adulte
Quatrième de couverture :
« J’ai pris conscience de cette faculté vers l’âge de douze ans : je pouvais extirper les morts de leur enveloppe.
Les âmes lambda s’envolent avec le dernier soupir. Ce qui pourrit sous la terre, c’est juste quelques cellules qui vont petit à petit se fondre dans la nature. L’Univers n’est, au fond, qu’une vaste usine de recyclage qui tourne sur elle-même à l’infini. Hélas, de temps à autre, une âme récalcitrante reste prisonnière de son corps. Qu’est-ce qui peut motiver une telle aberration ?
La colère, en général. Une colère extrême. Un problème pas réglé qui perturbe le défunt au point de bouleverser toutes les lois naturelles. Et le foutent, excusez le terme, dans une sacrée merdasse. »

Pour Truc, cette merdasse se résume en deux mots : inceste et pédophilie. Mais Daisy, son amante d’outre-tombe, va prendre les choses en main et, au terme d’une enquête difficile, faire éclater la vérité.


Daisy a un petit truc particulier. Elle peut communiquer avec les morts. Mieux que ça: elle peut les aider à quitter l’enveloppe charnelle qui les retient. C’est moins élégant qu’il n’y paraît: il n’y a rien d’agréable à rester bloqué dans un cadavre en putréfaction. Mais Daisy les aime bien, ces morts. Elle les aime même tout court : avoir une liaison avec une créature surnaturelle, vous avez déjà tenté? Elle, elle a eu une relation avec un elfe: un super pied! Cette fois, c’est un mort qui l’attire. Elle le voit à la télévision: suicidé, paraît-il. Le coup de foudre. Rien de plus facile pour elle que de se pointer à la morgue en prétendant être sa soeur et d’en repartir avec le fantôme de monsieur. Oui, mais monsieur n’a pas un caractère facile. Il refuse même qu’elle l’appelle par son nom. Alors elle l’appellera Truc. Et malgré le froid glacial qu’il répand lorsqu’il s’approche d’elle, Truc est un amant hors pair. Mais il est peu expansif sur sa vie: pourquoi s’est-il suicidé? Quelle colère le bloque encore sur terre? A-t-il réellement enlevé et violé ses propres enfants comme le prétendent les médias? Il affirme que non. Dais veut comprendre.

Si vous avez cru reconnaître quelques points communs avec des romances paranormales à la mode en ce moment, ce n’est que lointaine ressemblance. Loin de tout romantisme et de tout fantastique, cette histoire repose sur des relations charnelles assez triviales et sur une horreur pure. Dans l’humour noir et le cynisme, avec un ton relâché, ce livre est un plaisir d’ironie mordante et de personnages pas sages. J’ai adoré la description des relations avec les personnages surnaturels, imaginer Daisy enfiler une doudoune pour rejoindre son amant au lit tant il dégage de froid. La lecture est donc très dynamique et très plaisante, d’autant plus que Daisy est la narratrice de cette histoire dans laquelle elle s’adresse à Truc à la deuxième personne.

Mais derrière ce surnaturel un tantinet trash, une véritable intrigue policière se noue, tout aussi sombre que l’intrigue fantastique. On découvre un père accusé, après la séparation d’avec sa femme, d’avoir enlevé, violé ses propres enfants avant de se suicider devant eux. Cela fait beaucoup tout de même, et ressemble beaucoup à un complot de la mère avec son psychiatre d’amant pour retirer les enfants à leur père. Les enfants pourraient-ils eux-mêmes avoir des choses à révéler?

J’ai beaucoup aimé le personnage de Daisy. Sa franchise d’abord: elle n’hésite pas à vanter les mérites du sexe surnaturel, malgré les petits désagréments qui peuvent survenir autour (qu’il s’agisse d’un bon rhume ou d’une mère qui confond son amant avec un papillon nuisible). Son culot aussi: pour mieux enquêter sur la vie de Truc, elle n’hésite pas à se faire embaucher comme baby-sitter des enfants pour leur tirer les vers du nez. Mais Daisy est aussi une grande affectueuse, qui ne laisserait rien blesser son Truc qu’elle chouchoute autant qu’elle le peut.

Cette histoire courte est suivie par une autre, Nous ne méritons pas les chiens, non moins cynique et dérangeante: une jeune femme dans un hôpital psychiatrique, à quoi peut-elle bien penser? Qui a bien pu l’envoyer là, elle qui ne vivait que par son malheureux petit chien tué par un chauffard et qui avait pour voisine une prostituée qui cache son fils dans un placard? Il y a bien de quoi devenir dingue dans une histoire pareille, au point que la réalité de l’hôpital et le procès des responsables qui se déroule dans sa tête se confondent en permanence. J’ai tout simplement adoré comment les personnages passent d’un niveau à un autre, y compris le chien qui témoigne et la Destinée qui s’insurge qu’on tente de la modifier. Humour noir et drame poignant au rendez-vous.

Drôle, noir, touchant et dérangeant. J’ai adoré. Un grand merci à Louve ainsi qu’aux éditions Rivière Blanche.

Chronique de Mélusine

2 commentaires:

  1. wahou, quelle super critique ! Merci de me l'avoir envoyée !

    Grosse bise; G.

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  2. Bien mérité, ce billet élogieux pour Anne et son "Truc" !

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